San Francisco ou la fin de l'hiver

Publié le par loulenvoyage

9 février : Toujours à Clorinda. Je me remets tout juste de deux jours de maladie. Restent néanmoins quelques inconvénients gastriques. J'ai passé tout ce temps à dormir, de sorte qu'il m'est à présent fort difficile de trouver le sommeil.

 

Le 30 décembre dernier, j'embarquais depuis New-York pour San-Francisco. L'avion était censé partir peu avant 7h00 du matin. Nous avions donc prévu de dormir à l'aéroport pour être sur les lieux à l'heure requise. Tout se passa à merveille jusqu'à ce que j'apprenne, à vingt minutes du départ, que je n'avais pas de siège attribué. Nous étions un peu surpris car nous avions pris soin d'acheter nos billets cinq mois à l'avance; Fanchon avait une place, mais je n'en avais pas. Les explications qu'on nous fournit étaient un peu hasardeuses : le vol avait été surbooké et la répartition des sièges se faisait selon des critères hautement statistiques que seul un ordinateur était capable d'envisager. Notre étonnement était d'autant plus fort que personne ne semblait vouloir se révolter. On comprit bien vite pourquoi : un chèque de 400 dollars nous fut remis à chacun et l'on put embarquer à 15h00 pour  Los Angeles où nous attendait une connection pour San Francisco. Arrivés à destination avec plus de 12h00 de retard, on eut le plaisir d'emprunter le BART, un équivalent du RER, hyper-luxueux, avec sièges en velours, moquette au sol et nourriture interdite à bord, puis de rejoindre l'auberge à pied. Le temps d'avaler une soupe dans un restaurant thailandais, de prendre une douche et de se brosser les dents, et nous entâmions une nuit réparatrice.

 

San-Francisco est l'une des villes les plus agréables qu'il m'ait été donné de traverser. Il y 101 1743fait bon en toute saison, l'océan est proche, les maisons sont colorées, les cultures se mélangent et les habitants affichent une décontraction un peu déconcertante. Seul point noir au tableau : on reste frappé par le nombre hallucinant de homeless à demi-fous qui trimbalent leurs charriots le long des rues terriblement pentues. Certains, paraît-il, sont des anciens de la guerre du Vietnam. Les années 1960 ont laissé dans cette ville une empreinte indélébile. Les boutiques de frippes babas sont légions, tout comme les magasins de disques. Chacun affiche une devanture aux couleurs et aux formes psychédéliques. Bien entendu, certains quartiers cultivent la nostalgie plus que d'autres. Haight-Ashbury, pour commencer, Castro, également, fief et berceau du mouvement gay. Mais c'est à North-Beach que revient la palme de la reviviscence des années de combat. On y croise des murs colorés à l'infini, une librairie libertaire éditrice des ouvrages de la Beat Génération, dont on trouve d'ailleurs un musée non loin, perdu entre deux sex-shops. L'édifice est à l'image du courant de pensée qu'il tente en vain de décrire : bordélique, vide, maladroitement libertaire, mais un brin romantique. Le jour que nous cherchions à nous y rendre, le lieu fermait plus tôt que d'habitude en raison des fêtes de fin d'année. Sur la porte, une feuille de papier prévenait les potentiels visiteurs, sans pour autant donner d'heure précise, que le musée ouvrirait le lendemain tardivement. Les deux étages regroupaient un ensemble d'objets, de photos, d'oeuvres et de textes sans intérêt, tous censés faire l'apologie d'une petite bande d'écrivains, et de leurs nombreux satellites, dont on retenait moins leur oeuvre que leurs exhibitions publiques, et qui, en dépit de leur volonté d'affranchissement total, entretenaient tous une fervente admiration pour un séducteur voleur de voitures nommé Niel Cassidy. La boutique, quant à elle, occupait une partie du rez-de-chaussée et présentait un peu plus d'intérêt que le reste de la collection. Bref, on ressortait de là un peu surpris de constater que ce qui était présenté dans les livres d'histoire comme une révolution culturelle, n'était en somme qu'une série d'initiatives spontanées commises par une poignée de marginaux insatisfaits de leur condition. Quoi qu'il en soit, il reste de tout ceci un goût de liberté que les marchands de cartes postales, de badges et de souvenirs savent bien exploiter. Question musée, sur le port, on eut la chance de croiser un immense entrepôt dans lequel étaient exposés des centaines de vieux automates. Pour 1, 5 ou 25 cents, on pouvait connaître son avenir, activer un piano de saloon, savoir si l'on embrassait bien, se mesurer contre une machine au bras-de-fer, jouer au flipper ou encore, pour les plus cruels, assister en direct à une exécution française, anglaise ou américaine. L'entrée était gratuite. Chacun fouillait ses poches pour trouver de la monnaie. L'exposition était une franche réussite, tant pour les organisateurs que pour les visteurs, grands et petits, qui s'amusaient comme des fous.

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C'est également à San-Francisco que j'ai mangé le meilleur burger de ma vie; si juteux que j'en mis sur ma chemise dès la première bouchée. Dans l'ensemble on y mange d'ailleurs très bien et pour tous les goûts. Chaque resto a sa carte et son ambiance : depuis le petit café végé qui passe Harvest en boucle, jusqu'au petit rade de Chinatown où tu t'enfiles ton bol de nouilles pour cinq dollars aux côtés d'un vieil asiatique qui se râcle les paroies nasales bruyamment.

 

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Entre deux repas, c'est un réel plaisir de déambuler dans les rues et de passer de quartier en quartier. Dès qu'on a pris un peu d'altitude, chaque coin de rue offre un nouveau regard sur la baie. Les couchers de soleil sont à tomber. Comme toute ville, San-Francisco a ses repères touristiques. D'abord le Golden Gate, construit dans les années 1930, qui compte à son actif près de 1500 suicides. Puis Alcatraz, si près de la ville qu'on se demande pourquoi le peu de prisonniers évadés n'auraient pas pu rejoindre le rivage à la nage. La Coït Tower enfin, grande tour offerte par la veuve Coït aux pompiers de San Francisco.

 

C'est à San Francisco que nous sommes passés en 2011. La soirée fut calme. On s'était d'abord assis dans la salle commune de l'auberge pour discuter avec trois Français dont l'un m'énervait énormément. Peu à peu, je m'étais détourné de la conversation pour regarder le film qui passait dans la salle home-cinema. La situation devenait de plus en plus difficile. Fanchon tentait de masquer le manque d'intérêt que j'affichais tandis que je m'étais décidé à me plonger dans l'histoire, considérant chaque intervention comme une violation impardonnable. Le film en question était Into the wild, je n'en vis qu'une partie et encore, d'un oeil distrait. Le thème et les images me laissèrent cependant une impression assez forte pour que je fasse quelques recherches sur Internet. La réalité fut en vérité moins romantique. En Alaska, dans la région où le cadavre puant du protagoniste fut retrouvé, on ne considère toujours pas le jeune homme comme un héros anticonformiste épris de liberté, mais comme un abruti égaré ignorant tout des hostilités de la nature. Peu avant minuit, on se mit en route pour manger dans un "diner" qui se trouvait non loin de l'auberge. Question déco, le resto en mettait plein les yeux. Les tables en aluminium étaient alignées les unes derrière les autres, tout comme les grands fauteuils rouges qui délimitaient l'espace dédié à chaque client. Une immense voiture bleue turquoise avait été placée au fond du restaurant. On commanda deux burgers et un immense banana split en dessert. Fanchon eut même le plaisir d'accompagner le tout par un des morceaux de Grease qu'elle avait pris soin de choisir sur l'un des juke box mis à disposition des clients.

 

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Le 3 janvier au matin, nous quittions l'auberge pour aller récupérer la voiture de location qui nous attendait. On  en avait fait la réservation quelques mois auparavant sur le web : 120 euros pour 5 jours, auxquels on ajouta 45 dollars pour le plein. Le responsable de l'agence nous proposa toutes les assurances facultatives, nous alertant des dangers que nous courrions. Avertis de la chose, on déclina gentiment. Fanchon prit les commandes de la voiture, moi, celles de l'autoradio. On quitta la ville sans encombres. Tout avait été facile et relax à San Francisco.

Publié dans Etats-Unis

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